Ce bourg d'Andalousie s'est débarrassé de ses propriétaires terriens et de ses patrons... Récemment, deux représentants de cette commune étaient de passage à Genève à l'invitation du parti genevois Solidarités, et le « Courrier » les a rencontrés.
A la fin des années septante, le chômage, massif incite les habitants à entamer un combat acharné auprès de la Communauté autonome d'Andalousie pour obtenir du travail, ce qui aboutit à la collectivisation de 1'200 hectares de terre. A la culture des olives, poivrons, fèves, s'ajoute une fabrique de transformation des produits agricoles. Depuis dix ans, la production est à son maximum et le plein emploi est la règle. Quatre cent postes de travail forment le gros des emplois de ce village de 3'000 habitants.
Tout le monde reçoit le même salaire : 47 euros par jour pour six heures et demie de travail, paie légèrement supérieure à celle pratiquée dans la région. Les bénéfices sont réinvestis dans la production afin de créer des emplois. Les postes à responsabilité sont soumis à réélection tous les deux ans et sont révocables. « Lorsqu'il n'y a pas assez de travail pour tous, nous tirons au sort les jours chômés pour l'ensemble des collaborateurs. Les sphères économique et politique ne sont pas vraiment séparées. Les quarante à cinquante assemblées des habitants par année sont autant consacrées aux questions de production qu'à la gestion courante de la municipalité et du budget ».
Bien sûr tout n'est pas rose... Le rendement de la production pourrait être bien meilleur... il n'y a aucune politique de répression.
De même la participation aux assemblées et aux tâches communautaires laisse parfois à désirer... « Une fois que le travail et le pain sont assurés, on est moins motivé à collaborer activement au processus... ».
Un défi économique de taille se présente aussi pour l'avenir : obtenir des liquidités pour de nouveaux investissements afin de diversifier la production. Les prix agricoles sont bas, et les prêts sont très chers... Nous allons tenter de favoriser la création d'une banque publique de notre région, de créer notre propre marque, et d'obtenir de meilleures marges sur les ventes... « Dans tous les cas des solutions devront être trouvées, car les contributions de l'Etat espagnol aux municipalités andalouses ont baissé de 40 % »...
Une maison pour 15 euros
« Le logement est un droit, pas une marchandise... » Dans cette optique, la commune a développé un programme d'« autoconstruction » destiné aux personnes qui ne disposent pas déjà de leur maison. Le principe est simple : en échange de leur travail sur de nouvelles habitations d'une durée de 300 ou 400 jours répartis sur plusieurs années, les travailleurs recevront à titre personnel une maison en droit d'usage. Une fois logés, les bénéficiaires s'acquittent de 15 euros par mois jusqu'à ce qu'ils aient remboursé le coût des matériaux de construction, rien de plus.
Les futurs habitants ne travaillent pas nécessairement à la construction de leur propre appartement, car si tel était le cas, les personnes mettraient davantage d'application à construire leur propre maison, et négligeraient celles des autres... ont pensé les concepteurs du projet... Pragmatiques, ces idéalistes... !
Tiré d'un article du Courrier du vendredi 4 mai 2012
M. Borel